Après son époux Robert décédé il y a cinq ans, Elisabeth Kraemer, gestionnaire des colonies de vacances des Mines Domaniales des Potasses d’Alsace de Messigny et de l’Isle sur le Doubs, image légendaire des Mines Domaniales de Potasse d’Alsace vient de s’éteindre. Avec elle disparaît une longue et belle histoire humaine qui a concerné des centaines de jeunes alsaciens issus ou non des familles du bassin potassique.
Messigny, juillet 1947. Noyée dans un vaste domaine forestier de 440 ha, la ferme Ste Anne accueille 93 petits Alsaciens élevés sous la botte allemande, dans un village de tentes américaines. Le centre est baptisé « la Cigogne ». Le drapeau tricolore flotte sur le camp placé sous le signe de la joie de vivre et d’un retour à la France. Les cérémonies des couleurs revêtent pour cette jeunesse récemment rendue à la mère patrie un sens particulièrement profond. Impressionnant spectacle que de voir ces gosses de 7 à 14 ans fiers d’arborer un uniforme beige marqué du sigle de la Cigogne, assister au garde à vous aux honneurs rendus au Drapeau. Et il en sera ainsi jusqu’en 1960. Ensuite, la ‘colo’ se démocratisa, finit les ‘couleurs’, terminé les uniformes. L’encadrement ‘moniteurs’ évolua, l’ambiance se transforma et plus rien ne fut comme avant. La fermeture du dernier puits de potasse accéléra le mouvement, le domaine Ste Anne fut livré aux méfaits du temps et à la spéculation d’éventuels repreneurs. Le petit château subit l’appétit de pilleurs en tous genres, vols des cheminées, des portes, etc…Enfin, pas perdu pour tout le monde.
La Cigogne s’honora en 1953 de la visite du Chanoine Kir très impressionné par l’organisation et le sens du patriotisme de cette jeunesse. Le maire de Messigny Monsieur Emile Montigny, celui de Vantoux Monsieur Louis Lacroix ne manquèrent jamais une occasion de se rendre sur place et ce à la moindre sollicitation de la direction. La population participait aux journées des parents des colons en fin de chaque séjour ce qui contribua à resserrer les liens entre l’Alsace et ce que nous appelions alors : l’Intérieur !
Entre 1947 et 1960, il y eut jusqu’à 200 gamins par mois répartis en trois sessions entre le 15 juillet et le 1° octobre de chaque année, encadrés par du personnel volontaire âgé de17 à 19 ans, détachés des différents services des M.D.P.A. Aujourd’hui, tous ces jeunes sont grands-parents, ceux que nous rencontrons se souviennent encore des merveilleux moments passés en reconnaissance dans les bois environnants de Messigny et de Vantoux, des films du genre Fort Alamo tournés dans les fermes en ruines de la région, des multiples activités formatrices en tous genres grâce à la disponibilité d’un Comité d’Entreprise remarquablement efficace animé par Alfred Bebar, secrétaire du CCE et de son équipe.
De 1955 à 1960, Ste Anne vit naître les premiers bâtiments en dur construits par l’entreprise locale d’Henri Grandchamp. En effet, le CCE avait à coeur de faire travailler en priorité les commerçants de Messigny ce qui renforçait encore plus le lien entre les ‘alsacos’ (sic), les commerçants et les autorités locales. Seul bémol, léger sans doute, la présence des moniteurs de la colo aux bals organisés par le café du Lion d’Or. Les jeunes Glorious et les Coucous d’alors n’appréciaient pas tellement cette…concurrence. Aujourd’hui avec la disparition d’Elisabeth Kraemer, une page de l’histoire du village se ferme. C.KAISER
LA VIGIE CITOYENNE.