
-Aux abords de la forge de Messigny et Vantoux, le forgeron Paul MULER, le merlin dans les mains, ajuste le cercle de fer, chauffé à blanc, sur la roue en bois, avant de noyer le tout. Face à lui Louis PAUTHENET charron, entre les deux COLOMBIER ouvrier maréchal. Dans les spectateurs on peut reconnaître au fond et au centre Jules Grandchamp, sa légendaire casquette en arrière et la main droite posée sur l’épaule de son voisin.
A Messigny, la forge était située après le pont du Suzon, à droite en allant à Vantoux. Le forgeron, que ce soit Paul MULER ou Albert MICHOT qui lui succéda avant la seconde guerre, était parfois charron et d’autres fois maréchal-ferrant.
L’intérieur de l’atelier avait un certain côté dantesque avec son énorme enclume, une grande forge dont le charbon rougeoyait en permanence, ayant à son sommet une immense hotte munie d’un énorme soufflet que l’on pouvait actionner à partir d’une chaîne équipée d’une poignée. Un peu partout au sol des barres de fer et, accrochés aux murs disponibles, des outils en tous genres : tenailles, cisailles marteaux, grandes pinces sans oublier quantité d’autres outils parfois étranges.
Monsieur Albert MICHOT était surtout maréchal-ferrant, c’était véritablement là sa pratique essentielle. D’abord des chevaux de trait, puis des bœufs pendant la seconde guerre avant d’en arriver dans les années 1960 à ferrer les chevaux d’équitation. Il faut dire que progressivement l’équitation allait prendre de l’importance alors que le cheval de trait allait quasiment disparaître, tracteurs et autres engins motorisés agricoles ayant pris le relais.
Personnellement j’adorais l’odeur de la corne brûlée lorsque le fer rougi était ajusté au sabot du cheval. Le maréchal-ferrant devait donner au fer une forme la mieux ajustée possible au pied du cheval et ce n’était pas toujours très simple. Surtout lorsqu’il fallait tenter de corriger certains défauts du pied. C’est dire si ce travail n’était pas à la portée du premier venu. L’observation de la marche du cheval, la connaissance de ses pieds, la préparation appropriée qu’il convenait de donner aux sabots en coupant et limant la corne puis aux fers étaient autant d’opérations délicates qu’il fallait savoir maîtriser, donc requérant pour chacune d’elles une grande compétence. Celles de M. MICHOT feront de lui le maréchal-ferrant de plusieurs centres équestres à Dijon et Plombières notamment. Ce fut là une reconnaissance de son art, qu’il acceptera avec sa modestie légendaire. A sa disparition brutale, la forge sera fermée. A la vente de la maison et de toute la propriété M. POTRON deviendra propriétaire. C’est alors que la forge disparaitra pour faire place à une large pièce d’habitation.
A partir de là il ne fut plus question d’entendre le son si caractéristique du marteau frappant le fer ou l’enclume. Pourtant si distinctif : trois fois frappant le fer et une fois se posant sur l’enclume. Ainsi se trouvait rythmée la cadence du travail du maréchal-ferrant, surtout lors de la finition de la pièce qu’il forgeait.
Au temps de Paul MULER, le forgeron devenait parfois charron et là c’était une toute autre technique. J’ai surtout assisté à ce travail, tout un spectacle si l’on peut oser dire, dans ma prime jeunesse à Cussey les Forges, le charron étant M. POISOT. Je suis resté subjugué par le ferrage des roues qu’il effectuait avec ses aides au bord de la Tille, un peu hors du village à gauche de la route conduisant à Villemervry. Là, un énorme brasier chauffait les cercles de fer jusqu’au rouge. Je dis les fers car ce travail très particulier, nécessitant beaucoup de préparatifs, avait été programmé pour plusieurs ferrages. Pour le village c’était tout un spectacle et plus encore pour nous les gosses. Sur le pré, de belles roues en bois, travail de bien des journées du charron, chacune bien calée de niveau attendait sa garniture ferrée. A quelques pas de là, la paisible rivière allait bouillonner en recevant la mission de refroidir le cercle de fer qui allait enserrer la roue en bois. Le charron et ses aides armés de grandes pinces allaient saisir le cercle dans le foyer pour l’ajuster avec précision sur la roue en bois. Puis rapidement, après ajustement du cercle, le tout était transporté, toujours avec les grandes pinces, dans le lit de la Tille. Spectacle un peu diabolique avec toute cette vapeur sortant de la rivière. Quelle ambiance, sous les applaudissements! C’était comme un jour de fête, surtout que plusieurs roues étaient ferrées le même jour. Que de qualités dans le métier pour en arriver là, car le charronnage d’une roue n’est pas à la portée du premier venu ! Tout un savoir comme charron, puis forgeron, un travail de force, face à la chaleur ou dans le froid mais finalement un travail d’art. Le moyeu de la roue, les rayons, donner au bois le cercle parfait, alors qu’il devra en être de même pour le cercle ferré et que l’ensemble devra « tourner rond » sans à-coup. Bravo l’artiste. A l’identique à Messigny, près de sa forge, Paul MULER s’y appliquait également mais je n’ai pas vu faire. La photo que j’en ai, je la dois à la gentillesse de notre regretté ami Jacky MARTIN qui nous a, hélas, quitté bien trop jeune. Lui qui avait tant et tant de connaissances sur le passé de notre village il nous manque terriblement. Crois moi, j’ai grand plaisir Jacky à te replonger dans ton village, à travers cette photo un jour confiée si aimablement.
– M. Albert MICHOT au Centre Equestre du parc de la Colombière à DIJON. Son assistant tient la patte du cheval recourbée pendant qu’il élimine le surcroît de corne avec une râpe. Au premier plan : la caisse à outils.
C’est en forgeant qu’on devient forgeron et c’est en sciant que Léonard devint scie
Pierre Dac
G. BALLIOT
LA VIGIE CITOYENNE.