
– Antoine TORRES présente l’un des premiers modèles, de béquilles agricoles.
Si, parait-il, bien des dijonnais ignorent que Gustave EIFFEL est né à Dijon, ne nous étonnons pas que nombre d’habitants de Messigny et Vantoux n’aient pas connaissance que la « béquille avec roue » est née en 1946 au discret village de Vantoux. Aujourd’hui mondialement connue cette béquille, dans ses versions diverses, équipe le matériel agricole, les remorques attelées à une auto, les caravanes, etc….
En 1946, les frères LACROIX Louis et Augustin fondent la Société Industrielle de Construction Mécanique Agricole et Pneumatique (S.I.C.M.A.P.) dans des bâtiments au centre du village de Vantoux entre route et Suzon. Elle se spécialise dans la fabrication de remorques agraires montées sur roues à pneus. C’est la fin de règne de cette haute roue en bois que le charron ferrait en bordure de rivière. Louis LACROIX, depuis les années 1930, était démarcheur pour une usine de pneumatiques. Il y a comme une relation de cause à effet lorsqu’il fonde la S.I.C.M.A.P. avec son frère. A la fin des années 1940 la remorque agricole devait être conçue pour être attelée à un tracteur et non plus à des chevaux. Se posera à eux le délicat problème de stabilité de cette remorque, une fois détachée du tracteur. Avec les « bréardes » anciennes remorques avec deux grandes roues centrales existaient « les chambrières » en bois, longues béquilles, plus ou moins sûres d’ailleurs, qui se repliaient pour être attachées par en dessous. Les frères LACROIX voulaient un système simple et efficace, qui donnerait au conducteur du tracteur la possibilité d’accrocher ou décrocher rapidement la remorque, avec sécurité et stabilité à l’arrêt. L’ingéniosité sans pareil d’Augustin allait triompher de cet obstacle en donnant naissance à la « béquille avec roue », qu’ils rendront par la suite escamotable. Il suffit de l’abaisser avant de décrocher la remorque et de l’escamoter après attelage. Le brevet sera aussitôt déposé. Nous verrons ensuite les caravanes en être équipées ainsi que bien d’autres matériels du même type.
En 1980 la S.I.C.M.A.P. fabriquait 4.000 béquilles par mois dans ses ateliers de Vantoux, soit près de 80% du marché intérieur, alors que 10% de sa production partaient à l’exportation. Le succès était devenu tel que pour faire face à la demande, les 400 mètres carrés de ses ateliers devenaient nettement insuffisants. 1500 à 2000 mètres carrés de terrain étaient nécessaires à la construction d’un atelier adapté. En Août 1982 une solution est trouvée avec la municipalité de MESSIGNY et VANTOUX en zone artisanale, sur un terrain à la convenance des deux parties. Accord arrêté avec Antoine TORRES gendre de Louis LACROIX, devenu directeur de la société.
Cependant, à son retour de vacances, Antoine TORRES apprendra que le terrain qui lui était initialement destiné avait finalement été attribué à un organisme de comptabilité. La municipalité avancera que d’autres terrains lui ont été proposés mais qu’il les a tous récusés. Dès lors il cherchera un autre site qu’il trouvera à DHUIZON, dans le Loir et Cher. Le 29 Juillet 1983, pour assurer sa survie, face à la concurrence, la S.I.C.M.A.P. quittait Messigny et Vantoux faute d’avoir trouvé un terrain à sa convenance, la commune ne lui ayant proposé ensuite que des terrains en trop forte déclivité donc avec frais supplémentaires. En cette affaire la commune perdait les impôts générés par l’usine et ses ouvriers locaux. L’organisme qui était venu s’installer sur le site initialement prévu pour la S.I.C.M.A.P. quittera d’ailleurs les lieux après une dizaine d’années, comme il venait de le faire précédemment. Fort heureusement, le très performant Groupe ELABOR, (Ingénierie et Aménagement des territoires) est arrivé aussitôt pour s’y installer.
A DHUIZON, la S.I.C.M.A.P. devenue S.I.C.M.A., connaitra en 1997 le décès de son patron Antoine TORRES. L’entreprise sera alors gérée par son épouse et son fils lesquels poursuivront l’extraordinaire aventure des béquilles qui s’exportent aujourd’hui dans toute l’Europe occidentale.
Augustin LACROIX s’est installé pendant quelques années à Messigny comme ferronnier avant de partir à la ferme du Chêne où il prendra sa retraite et y décédera en 2008. Louis Raymond LACROIX est décédé en 1991, 5 ans après son épouse. Très meurtri par le départ contraint de sa société, hors des terres de son pays, Vantoux, dont il avait été maire avant la fusion pour laquelle il avait œuvré avec Messigny. Ce fut, pour lui, extrêmement douloureux. Je l’ai un jour trouvé en larmes sur la passerelle en bout de la rue du bief. C’était un ami, comme son frère d’ailleurs. Ensemble, au Groupe FFI CHOUMETTE, nous avons vécu des épisodes de la Résistance. Je pense souvent à eux, qui ont eu le mérite de promouvoir VANTOUX au rang qui restera le sien, dans l’histoire industrielle, par la force de ses béquilles.
En marge des béquilles, je ne saurais oublier l’immense gentillesse de la famille TORRES, logeant en contre bas de la route du Val-Suzon dans un préfabriqué. Ce qui ne lui empêchera pas d’apporter beaucoup au village, y compris dans le lancement du football avec d’abord le couple vétéran TORRES-LAGNEAU, puis par les enfants Antoine et Obdulio TORRES avec Pierre LAGNEAU. Ce sont là des acteurs qui ont marqué le village sportif. A la suite de Claude GRILLOT, Antoine TORRES et Pierre LAGNEAU, après joueurs, ont été l’un et l’autre Président de la section football de l’A.S.C.M.V. Obdulio s’est révélé au démarrage du club et pendant de belles années, avec son compère BENTEO, un brillant buteur ou pourvoyeur. Chaque année Messigny et Vantoux football assurait sa montée, c’était extraordinaire ! Que de souvenirs. C’était alors Messigny et Vantoux …la gloire !
G. BALLIOT

– une partie de l’atelier de l’usine à Vantoux peu avant son départ.
LA VIGIE CITOYENNE.