Projet refusé, le soldat portant chapeau et bottes, emblèmes dits séditieux par le Conseil Municipal
Par G.BALLIOT .
On peut dire que Messigny et Vantoux s’ est doté d’un superbe monument militaire pour honorer la guerre de 1870/1871, venue s’échoir jusque dans ses murs le 21 janvier 1871. Dans des assauts terribles, avec combats de rues, malgré une rude tempête de neige. D’un côté les troupes allemandes et face à elles soldats de la 4ème brigade de l’Armée des Vosges, sous les ordres de Riciotti Garibaldi. Des combats qui allaient durer de 11 heures du matin jusqu’à la tombée de la nuit. Côté allemands on dénombrera 46 tués, 80 blessés, 12 disparus et 42 prisonniers. Côté Garibaldiens : 20 tués et environ 80 blessés. Ces quelques chiffres pour mieux juger de l’ampleur de la bataille, avec ligne de front allant de « Dessous les clos » jusqu’aux « Lavières ».
37 Années sont passées lorsque se constituera un comité en vue de l’érection d’un monument en l’honneur des braves de la 4ème brigade de l’Armée des Vosges. Une souscription sera lancée mais au moment où le Comité demande à la commune de Messigny de lui désigner le lieu exact de la possible érection du monument le conseil municipal, dans sa séance du 28 décembre 1908, refuse tout emplacement, tant que le sujet militaire à placer sur le monument ne sera pas modifié. Présentée au comité le 21 décembre 1908 la maquette avait pourtant été acceptée par 8 voix contre 5. Le Conseil Municipal s’opposait, car le soldat portait un « chapeau » et des « bottes » d’après lui « des emblèmes séditieux et nuisibles à la moralité des futurs citoyens ». Aussitôt connue la position du conseil déclenchera un conflit dans le village, entre partisans et adversaires des Garibaldiens. Il faut souligner que peu avant le curé Billard, jugé trop neutre par l’évêché en cette affaire, avait été « nommé » ailleurs. L’évêque entendait peser sur les élections municipales de 1908. Résultat la liste Libérale sera élue avec quelques voix d’avance, ce qui expliquera le vote concernant le monument. Le Comité d’érection se réunissait à nouveau le 6 Janvier 1909 pour prendre acte de la décision et examiner la situation. Il fut décidé que le chasseur des Alpes serait remplacé par un soldat français de l’infanterie. Le sculpteur COURTE fut donc amené à modifier sa maquette. Le militaire n’a plus de chapeau mais le képi, plus de barbe au menton mais conserve la moustache. Les bottes sont remplacées par des souliers avec guêtres. Le prix est fixé à 1.500 francs, payable en 3 fois, le soubassement étant à la charge du Comité.
Entre le Comité et le Conseil Municipal le climat est de plus en plus houleux. Les prises de positions secouent le village. Le 2 Avril le Conseil Municipal par 6 voix sur 11 décide que le monument sera édifié sur la place, au midi de l’église, en bordure de route, mais non devant son portail. Pour autant rien n’est terminé, puisqu’il faudra attendre le 28 Septembre 1909 pour que le Maire Jules JAVELLE signe enfin la délibération. C’est dire l’ambiance qui régnait au village, à propos de ce monument. Le 28 Octobre 1909 le décret confirmant la décision du Conseil Municipal était signé par le président de la République Armand FALLIERERS. On pouvait alors imaginer l’inauguration en bonne voie. Pas du tout, s’engage alors une lutte entre partisan et adversaire du projet. Les anciens combattants et le Comité d’érection n’entendant pas se faire évincer de la paternité du monument.
L’inauguration aura finalement lieu le 10 Juillet 1910, dans une fête extraordinaire de tout le village, inondé de personnalités et citoyens, arrivés vers 11 heures par deux trains. Un banquet de 200 couverts, moyennant participation de 4 francs, sera servi dans la salle de l’Hôtel de Jouvence. L’après midi débutera par une cérémonie au cimetière. Après intervention du capitaine JORAN, parlant au nom des patronages catholiques, surviendra un incident. Suivi d’un autre lorsque les jeunes des patronages sonnèrent du clairon. Aussitôt les survivants de la 4ème brigade de l’Armée des Vosges sortirent des rangs en repliant leurs 2 drapeaux. La fanfare d’Ahuy, elle aussi marquera son mécontentement, vers 15h30, au moment de l’inauguration. La colère est telle qu’un clairon de la fanfare d’Ahuy sonnera même l’Internationale. Imaginez l’effet produit.
Le 15 Août 1913 le Comité des survivants de la 4 ème Brigade des Vosges installait une plaque de marbres portant « Vivre libre ou mourir, Brigade RICIOTTI, aux volontaires Garibaldiens morts pour la République en 1871 ».
Donc beaucoup de péripéties pour ce superbe monument, œuvre du sculpteur dijonnais Louis COURTE sur une pierre de Chassigneul (Yonne). Les traits du soldat seraient parait-il ceux d’un Garibaldien, nommé Robert. C’est un monument admirable, dans le moindre des détails !

Le serment des conscrits » supplément du PETIT JOURNAL du 23 Avril 1911. Consécration de ce monument, après tant et tant d’affrontements
Après tant et tant de péripéties la consécration arriva le dimanche 23 Avril 1911 avec « LE PETIT JOURNAL » sortant sur toute la prem1ère page de son supplément « LE SERMENT DES CONSCRITS » de Messigny devant le monument de 1870/71. C’est alors que ce monument trouvera sa célébrité, après tant et tant de péripéties !
En annexe de cette histoire peu banale, il faut savoir qu’une pyramide se dresse sur une belle place d’ANNECY en l’honneur du jeune Victor CURTAT âgé de 18 ans qui s’empara à Dijon le 23 Janvier 1871 du drapeau du 61ème Poméranien. D’où d’ailleurs, à Dijon, l’avenue du Drapeau et la rue Curtat.
LA VIGIE CITOYENNE.